top of page
Rechercher
Photo du rédacteurCamille Cordouan
Développer le télétravail pour réduire notre émissions de gaz à effet de serre (Crédit Horizon Management)
Développer le télétravail pour réduire notre émissions de gaz à effet de serre (Crédit Horizon Management)

Je veux pousser un cri pour la planète.

Ca suffit !


Les rejets de CO2 et de particules fines envahissent notre atmosphère, et on se demande encore comment, dans des délais relativement compatibles avec l’accord de Paris, lutter contre les rejets des transports et du bâtiment qui à eux seuls représentent les 2/3 de nos émissions de CO2 (pour les particules fines, la solution est ultra simple : haro sur les diesel).


Voiture électrique, poids lourd au GNL, voiture en partage, péages urbains, transports en commun.


Alors là je rigole.

C’est mignon tout ça.


Surtout l’incitation à prendre les transports.


Hihihi.


Quiconque vit en région parisienne et se fade le réseau RATP tous les jours redoute cette injonction faite aux automobilistes de prendre les transports. Mon Dieu, non ! Si 2% des automobilistes se déversaient sur le réseau vétuste, branlant, sujet aux pannes techniques indépendants de la volonté de personne, la vie des usagers qui est déjà un enfer, deviendrait absolument indescriptible !



Soyons lucides : le réseau est pourri, sous-dimensionné, les travaux pour le rendre plus efficaces coûtent une somme que personne ne veut dépenser, et durent un temps qui n’est pas celui de l’immédiateté.


Alors pitié !

Pitié bobos à trottinettes qui vivent et travaillent dans Paris intra-muros et donnent des conseils de vie à la terre entière, sur le mode du « Y’a qu’à faire comme moi » !

Pitié, cessez vos logorrhées climato-émotives qui culpabilisent tout le monde et n’ont d’autre but que de vous acheter une conscience parce que vous achetez bio, vous intéressez à votre petit producteur local à proximité de votre maison en Normandie (que vous gagnez en voiture, parce que la ligne Paris la Normandie, c’est pas la fête), faites votre propre compost en mettant de côté vos peaux de panais et carottes Touchon, tout en regrettant que le quinoa ne soit pas épluchable.



A court terme, pour réduire notre empreinte carbone, et nos émissions de particules fines, il existe une solution rapide, efficace,qui-coûte-pas-cher : le télétravail !


Moins de monde sur les routes. Moins de monde dans les transports.

De l’oxygène pour tous.


Développons le télétravail partout où l’on peut. Un jour minimum par semaine, deux, trois, soyons fous !


Les employés sont de grands enfants maintenant. Faisons-leur confiance.


Appelons sans délai à un grand projet national de télétravail.


Alors pour la planète : oui au télétravail !




Cette histoire de nouveau look, Soizic, ça la bouffe.

Pas une journée sans que Patricia de la compta, Martial le commercial ou Tom de la com ne lui demandent « Alors, ça y est ? Tu lui as dit ? », et comme Soizic feint de ne pas comprendre :

« Tu lui as pas dit à Laurence qu’elle s’habillait comme une cagole ?? »


Mais Soizic ne trouve pas les mots.


Et quand elle croise Laurence, elle se lance, ouvre la bouche, et au dernier moment... se ramasse :

« Laurence, je voulais te dire que... que j’avais entendu dire que l’ascenseur à droite était en maintenance... T’étais au courant ? »


Ou


« Ah Laurence, te voilà. Je n’ai pas de bonne nouvelles. Voilà... je... je crois qu’on a encore piqué des rouleaux de papier hygiénique. Ca va faire un gros trou dans les stocks...»


Une fois, elle y était presque :

« Laurence, ce que j’ai à te dire n’est pas simple, et tu vas trouver que ça me regarde pas,

mais je sais que tu m’en voudras si je ne te le dis pas. Moi ça ne me dérange pas, mais les autres tu comprends... Voilà, tu... as de la salade coincée entre les dents »


C’était vrai en plus.


Laurence s’était confondue en remerciements, elle avait une réunion avec Dolorès la chef et Léon le patron, la honte si elle avait arboré son plus beau sourire tacheté de verdure.


A midi, le calvaire.


Toute la troupe continue d’assaillir Soizic, soulignant l’extrême urgence de la situation, fixant même un ultimatum : dans huit jours les auditeurs du global arrivent, si Laurence continue de se prendre pour Lolo Ferrari sans les lolos, c’est le crash assuré.

Patricia :

- Les résultats de l’audit étaient catastrophiques il y a deux ans. Quelle image on va donner aux auditeurs quand ils vont débarquer ?


Pierrick :

- En plus il paraît qu’ils nous ont envoyés des durs : deux viennent de Leipzig, une de Poznan et le reste de Krasnoïarsk.


Ting:

- Mais où ils vont les chercher, c’est pas possible !


Tom:

- Ah non mais moi je perds pas mon taf, à cause d’une quinqua qui se croit toujours dans les années 80 han !


Martial :

- Moi j’ai une femme et une fille étudiante, alors pas de vagues, merci !


Samanth’ l’assistante se dit que le look hot de Laurence, ça les dégèlerait un peu ces espions qui viennent du froid. Mais si elle l’ouvre, elle se ramasserait tout le monde sur le râble, comme la dernière fois.


Soizic n’a plus le choix. L’avenir de la boîte est entre ses mains.


C’est que ce n’est pas facile à dire ces choses-là.


Elle n’est pas à l’aise.


Elle en perd le sommeil.


Les jours s’égrènent. Et Laurence de la finance semble plus que jamais sortie d’un film érotique de fin de semaine, troisième partie de soirée.


J-2 avant l’audit.


A qui demander conseil ? Soizic n’a pas d’amies suffisamment proches, sa sœur passe sa vie sous une blouse médicale, sa mère avait 20 ans dans les années 50, ses enfants ne la comprennent pas stylistiquement, et elle le leur rend bien. Son mari ?

Le soir, au moment d’éteindre la lumière, elle fixe le plafond. Au lieu de « Bonne nuit », elle dit « Chéri, j’ai un gros problème au boulot et je ne sais pas comment m’en sortir ».

Sans se demander s’il écoute, elle raconte l’affaire du nouveau look, essaie de le décrire de façon suffisamment vague histoire de ne pas trop exciter son mari, la mission que les autres lui ont confié, et son sentiment de lâcheté, à ne pas savoir s’y prendre.

- Tu ferais comment toi ?

- Moui... euh... délicat c’est sûr... Allez bonne nuit à demain.


J-1


Soizic ne voit qu’une solution : l’arrêt maladie. Mais le motif lui semble léger.

La mort dans l’âme, elle se traîne jusqu’au boulot. Passe sa journée à ressasser des discours dans le vide. Décide de passer à l’attaque dans l’après-midi.

14h : Laurence est en réunion jusqu’à 16h

16h : Laurence a déjà un rendez-vous impossible à déplacer

18h : Laurence a été appelée d’urgence par Léon le patron

Sur les coups de 18h30, constatant son échec, Soizic se dirige vers les ascenseurs, rase les murs pour ne pas croiser Pierrick qui ne part jamais avant 19h30.


Elle fixe ses mocassins à frangettes lorsque les portes de l’ascenseur tintent joyeusement.

Devant elle, une paire de cuissardes en cuir à lacets, des bas résille noirs, une jupette à carreaux plus courte qu’une ceinture, un chemisier blanc transparent trois trailles trop petit, un pendentif satanique écrasé entre deux seins compressés, une tête coiffée d’une queue de cheval.


Laurence de la finance.


Le cœur de Soizic s’arrête.


Laurence sourit.


Elles discutent de deux ou trois dossiers le temps d’arriver au rez-de-chaussée.

« Tu prends les transports ? »

Soizic dit oui.


Sur le chemin, elle se répète « C’est le moment, c’est le moment, c’est le moment », mais ça vient pas.


Elles attendent ensemble en silence à l’arrêt de bus.

Tout à coup, Laurence :

- Flûte ! J’ai encore maillé mon collant !


Soizic ne voit pas où ça filoche, dans son esprit, c’est le principe du bas résille.


Laurence la fixe.

- Tu trouves que c’est pas de mon âge ?


Soizic est prise au dépourvu :

- Comment-ça-c’est-à-dire ?

- Ben tout ça, tu trouves que c’est pas pour moi ?


Soizic aimerait que le bus arrive. Mais le panneau indique 25 minutes. Divers incidents techniques indépendants de la volonté de personne.

Dans la cervelle de Soizic, grosse bouillie. Elle est à deux doigts de dire « Mais c’est maintenant que tu t’en rends compte ma pauvre ? Toute la boîte ne parle plus que de ton look de cagole depuis trois semaines ! », et finalement :

- Et toi, t’en penses quoi ?


Elle s’attend à un « Te fous pas de ma gueule Soizic ! Je sais très bien que toi et les autres, vous bavez dans mon dos ! ».


Laurence soupire :

- Je me demande si c’est pas un peu too much quand même...


Soizic, libérée d’un poids :

- Ah ben c’est sûr que ça se voit !

- Je sais, tout le monde me le dit...

Soizic fronce les sourcils. Evidemment, elle aurait dû s’en douter ! Les autres ne s’étaient pas privés pour en mettre une couche à Laurence. Elle arrivait après la bataille, c’était bien la peine…


- Mais tu comprends, c’est pour Léon que je fais tout ça...

- Léon le patron ??

Soizic s’étrangle : les rumeurs étaient donc vraies ! Elle articule :

- Mais... Tu trouves pas que ça va un peu loin quand même ?

Laurence a un petit rire aigu :

- Je donne beaucoup c’est vrai, mais il m’apporte aussi énormément. Pour rien au monde je n’échangerais ma place.


Que Laurence, avec son sourire niais, étale ses parties de jambes en l’air aux yeux de tous, Soizic ne peut pas l’admettre :

- Enfin quand même Laurence, tu as conscience que les gens sont très choqués !

- Ils s’habitueront. Les premiers temps c’est toujours difficile, mais tout glissera ensuite.


Soizic visualise. C’est insupportable :
- Bon écoute-moi bien Laurence : que tu te tapes Léon le patron, je trouve ça odieux, mais tu n’es pas la première. Alors aies au moins la délicatesse de ne pas étaler ta réussite aux yeux du monde entier en t’habillant comme une Marie-couche-toi-là !
Elle reprend son souffle :
- Un peu de délicatesse, merde !

Sur le visage de Laurence des taches rouges apparaissent. Elle balbutie :

- Mais... Quel rapport avec le projet Cut Cut Cut ?

- Mais je ne te parle pas de Cut Cut Cut ! Je te parle de...


Soizic comprend sa gaffe.

- Moi je te parlais de Cut Cut Cut, murmure Laurence, les yeux brillants

Soizic sent un vide immense. Elle bégaie des phrases d’excuses sans queue ni tête. Le bus arrive. Soizic monte, Laurence non.


« Je vais marcher un peu ».


Par la vitre, Soizic la regarde s’éloigner, perdue, sonnée. Le vent soulève des pans de sa mini-jupe à carreaux qu’elle tient fermement de ses deux mains, comme pour la rallonger.


Elle disparaît de son champ de vision au moment où Soizic murmure :

« Au moins, c’est dit. »


A suivre




Dernière mise à jour : 26 nov. 2018


Dans la classe, il y en avait toujours au moins un, parfois deux.

La légende veut qu’il soit petit, binoclard, poli, bien habillé, maigrichon, fort en maths, nul en sport. A la récré, il cherche la protection du pion. A la cantine, il est la cible des projectiles-purée. Il sait tout, répond à tout, le doigt toujours pointé au plafond. Le fayot est celui qui inspire aux profs d’inaccessibles rêvasseries « Ah, si j’en avais 30 des comme toi... »


La réalité est plus contrastée.


C’est statistique, entre l’âge de 3 et 8 ans, nous avons tous traversé une phase de fayotage, où, tombés amoureux de notre instit, nous voulions au minimum lui ressembler, dans l’idéal l’épouser.


Qu’il est loin le temps où, au supermarché du coin, on rêvait de tomber nez à nez sur LUI. Gesticulant, pointant cet objet de fascination aux parents gênés, obligés de le saluer: « C’est Nicolas !! C’est mon maître !! C’est mon maître !! C’est lui là ! »


Aux camarades admiratifs et jaloux :

- Eh ben moi, samedi, j’étais au Leclerc du grand rond-point, et j’ai vu le maître qui achetait trois paquets de lessive.

- Il doit puer le maître pour en acheter autant !

- Tais-toi ! T’es qu’un jaloux.



Et puis vient ce jour terrible.


Le costume du fayot est remisé dans le carton au fond du placard, où sommeillent layettes, doudous, jouets incrustés de bave, sandales à boucle pointure 24. On y passe tous, et sans s’en apercevoir.


Tous ?


Non ! Une bande d’irréductibles ne franchira jamais cette grande étape de la vie.

Et une bande concurrente s’apercevra sur le tard que ce si beau costume de fayot, ils ne l’ont jamais porté. Comme il toujours temps de bien faire, ils l’enfileront comme une seconde peau et se lanceront à l’assaut de la vie active.


C’est là que commence la tragédie pour tous ceux qui ont su guérir du fayotage, cette maladie infantile.



Est-on le même fayot à 5 ans, 25, 45 ans ? Comme tous les défauts mignons et adorables des années d’enfance, en grandissant, les traits du fayot s’accusent, crèvent les yeux de tous, sauf :

1) Du chef,

2) Du chef du chef,

3) Du chef du chef du chef


Un fayot devenu grand, c’est un lèche-cul.


Il a toujours le sourire devant son supérieur hiérarchique, lui ouvre la porte, s’efface devant lui, rigole à toutes ses blagues, se bat pour servir son café, créé des zones intimités avec lui :


Le chef :

- On peut dire que lorsque les KPI de l’audit auront été benchmarkés, les KYC du cost control feront grise mine... Et encore, je suis poli !


Le fayot :

- Sans parler des CLC des cost managers qui regretteront le bon vieux temps des inputs à forward... Pardon, sujet qui fâche, pardon.


Et les deux qui rigolent.

Vous, à côté, vous êtes largué.


Alors, vaccinés du fayotage, êtes-vous condamnés à subir cet insupportable numéro de claquette?

Etes-vous condamné à fantasmer les augmentations, plans d’actions gratuites, bonus pour résultats exceptionnels que le fayot aura récoltés à votre détriment ?

NON !

Et voici pourquoi.


Avant tout, n’essayez pas de vous transformer en fayot. Dussiez-vous subir le feu, la torture, votre nature reprendrait inéluctablement le dessus. Souvenez-vous que le fayot ontologique aura toujours 20 longueurs d’avance sur vous.


Votre boss a beau être le dernier des abrutis, il n’en demeure pas moins un être humain normal : il veut se sentir aimé et admiré.

En particulier lorsque ses pairs et supérieurs lui balancent à longueur de temps sa nullité à la figure. Il veut trouver un peu de réconfort auprès de ceux qui font comme s’ils l’avaient choisi, lui et pas un autre, pour les diriger : ses subordonnés.


Le fayot le fera très naturellement. Vous, avec votre tempérament sans compromission n’aurez qu’une envie : l’enfoncer davantage. Grave erreur. Il ne faut pas boxer au-dessus de sa catégorie.


Le scalp d’un chef, c’est comme une Rolex au poignet d’un chômeur de plus de cinquante ans : ça n’existe pas.

L’art de fayoter, c’est donc l’art du juste milieu. Il faut en faire juste de nécessaire, juste ce dont on est capable. Cela nécessite doigté et délicatesse. Quelques petites touches, façon impressionniste. Entrechats dans le monde plombé de l’entreprise.

Ce n’est pas être faux-cul que de pratiquer le fayotage en dilettante. Ca aplanit les relations, tout le monde s’en porte mieux.



On commence d’abord par quelques marques de respect, distillées ici et là au grès des occasions, du type « Toi avec ton expérience, tu as vraiment l’habitude », ou « Ton avis sur le dossier Tartamuche me serait utile », voire « J’ai préféré te mettre en copie du mail pour lui donner plus d’importance ».


Si l’on s’en sent capable, on peut également ajouter des pincées d’admiration. Comme ça, sans crier gare, et de préférence en public. A la machine à café, à la cantine, dans l’ascenseur. Soulignez le trait de caractère principal de votre boss. S’il a de l’humour, rappelez combien il est plaisant de travailler avec quelqu’un qui met une bonne ambiance.

S’il est dans le contrôle perpétuel, précisez que votre boss n’est pas psychorigide, mais aime savoir où il met les pieds, et que c’est une nuance importante. S’il est incapable de prendre une décision, valorisez sa propension à peser le pour et le contre, autre définition du sens critique.

Attention. Ne le faites pas si ça vous écorche la bouche. Ca passera pour de l’ironie. Défaut rédhibitoire en entreprise.


Ces petites pincées de savoir vivre ne vous rendront pas compatible avec votre N+1, mais huileront les rouages de votre coexistence. C’est hisser le drapeau blanc.


Hypocrisie, faux-cul pourront crier certains, ceux qui se prennent baffes sur baffes, mais tendent encore l’autre joue. Vient un temps où il est bon de comprendre que le pouvoir aime les mises en scène, et qu’au passage du cortège royal, existent trois types de réactions :

- L’intransigeant, sur qui roulera le carrosse et la foule juste après

- Le courtisan, qui donnera sa vie pour être tout devant au passage du cortège

- L’observateur, qui regarde la scène sourire en coin, sait faire le pas de côté lorsqu’il le faut


L’art de fayoter, c’est l’art de se préserver, c’est la botte que l’on tire avec élégance. Ni courbettes, ni affront, c’est composer avec ceux qui disposent de vous.

Et si la fortune vous adoube, vous serez le boss à qui on ne la fait pas, jurez-vous, celui qui les renifle, les fayots de compétition. Hélas, vous aurez bien vite le nez complètement bouché.

1
2
bottom of page