La présence de Grégoire Laprune devint rapidement bénéfique et indispensable à Behnaz. Elle l’attendait le soir, à l’heure où le Rigoliland se dépeuplait, pour de longues conversations que pas un silence n’entrecoupait.
Behnaz s’émerveillait de tant d’affinités insoupçonnées. Le bon voisin l’écoutait, la soutenait, l’encourageait, les yeux brillants, répétant combien il croyait en elle, que jamais auparavant, il n’avait rencontré une femme d’une telle qualité. Lorsqu’il prenait la parole, c’était toujours pour souligner la profondeur de son être, l’incommensurabilité de ses dons, combien il était rare de voir tant de vertus réunies en une seule personne, si jeune, pourtant si mature.
Elle avait raison de croire en elle, en sa capacité à réaliser de grandes choses. Elle était de ces personnes dont l’envergure insuffle à l’entreprise une longueur d’avance.
Un soir que Behnaz développait d’un air pénétré sa conception des valeurs, et leur importance dans la gouvernance d’une entreprise, Grégoire Laprune semblait un peu ailleurs. Elle ne s’en aperçut pas, emportée par un discours longuement mûri. Soudain, au milieu d’une phrase, Grégoire Laprune l’interrompit sans ambages : « Dis-moi, Behnaz. Quel âge as-tu ?
Elle perdit le fil, dégringola de ses hautes sphères, soudain lestée par cette question terre à terre. À l’inverse, tout chez Grégoire Laprune semblait frôler les cimes, de son sourire dressé, aux rares cheveux insoumis, les derniers, pointant fièrement vers le ciel. Posant une main sur le bras de Behnaz, le bon voisin insista, d’un ton pressant : « Ton âge, c’est tout ! »
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